Page:Faguet - Pour qu’on lise Platon, Boivin.djvu/350

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
342
POUR QU’ON LISE PLATON

arrivé à l’absolu en pareille matière, l’idéal de la justice, l’idéal de l’ordre et l’idéal de l’amour.

Et il est assez amusant, en passant, de remarquer que cet « un » que Stirner donne comme la formule de l’individualisme radical, Platon le donne comme la formule du communisme pur. Ils ont tous deux raison : l’unité se trouve dans l’individu s’opposant intangiblement à tous ; et se retrouve dans la société si unie et si unanime qu’elle a supprimé les individus ; l’unité c’est un, ou c’est tous ne faisant plus qu’un ; et comme « l’un » individuel est selon la justice, mais d une faiblesse incurable, il est naturel de rêver un un qui soit composé de tous ne faisant plus qu’un, tant ils s’aiment et tant, à s’aimer, ils ont supprimé toute personnalité individuelle.

La justice, c’est chacun absolument libre, ou tous si unanimes — voyez bien la force du mot — qu’ils n’ont absolument pas besoin de liberté. Les deux conceptions sont aussi impratiques et aussi chimériques l’une que l’autre, et ce sont toutes les conceptions intermédiaires qui sont ou qui peuvent être applicables ; mais toutes aussi s’écarteront de l’unité et laisseront le regret que l’unité ne soit pas réalisée ni même cherchée, ni même aimée ; à quoi l’on répondra que cela tient peut-être à ce qu’elle est impossible.