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à l’entrée de l’habitation. Le talus est exposé aux ardeurs du midi. Un petit mur le surmonte, tout délabré ; derrière est un profond rideau de pins. Le tout forme un chaud abri, comme l’exige l’établissement de l’hyménoptère. En outre, nous sommes dans la seconde quinzaine du mois de mai, précisément l’époque des travaux, suivant les maîtres. L’architecture de la façade, l’emplacement, la date, tout s’accorde avec ce que nous racontent Réaumur et L. Dufour. Aurais-je réellement fait rencontre de l’une ou de l’autre de leurs Odynères ? C’est à voir, et tout de suite. Aucun des ingénieurs constructeurs de portiques en guillochis ne se montre, n’arrive ; il faut attendre. Je m’établis à proximité pour surveiller les arrivants.

Ah ! que les heures sont longues, dans l’immobilité, sous un soleil brûlant, au pied d’un talus qui vous renvoie des réverbérations de fournaise ! Mon inséparable compagnon, Bull, s’est retiré plus loin, à l’ombre, sous un bouquet de chênes verts. Il y trouve une couche de sable dont l’épaisseur conserve encore quelques traces de la dernière ondée. Un lit est creusé ; et dans le frais sillon, le sybarite s’étend à plat ventre. Tirant la langue et fouettant de la queue la ramée, il ne cesse de viser sur moi son regard, aux douces profondeurs. — « Que fais-tu là-bas, nigaud, à te rôtir ; viens ici, sous la feuillée ; regarde comme je suis bien. » C’est ce qu’il me semble lire dans les yeux de mon compagnon. — « Oh ! mon chien, mon ami, te répondrais-je si tu pouvais me comprendre, l’homme est tourmenté du désir de connaître ; tes tourments, à toi, se bornent au désir de l’os, et de loin en loin au désir de ta belle. Cela fait entre nous, quoique amis dévoués, une certaine