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pas, et l’œuf est déposé sur la victime, non au hasard, mais en un point judicieusement choisi. C’est ainsi que l’Ammophile hérissée fixe le sien, par une extrémité, en travers du ver gris, sur le flanc du premier anneau muni de fausses pattes. L’œuf pend sur le dos de la chenille, à l’opposé des pattes, dont le voisinage ne serait peut-être pas sans danger. Le ver d’ailleurs, piqué dans la plupart de ses centres nerveux, gît sur le côté, immobile, incapable de contorsions de croupe et de brusques détentes de ses derniers anneaux. Si les mandibules veulent happer, si les pattes ont quelques frémissements, elles ne trouvent rien devant elles : l’œuf de l’Ammophile est à l’opposite. Dès qu’il éclôt, le vermisseau peut ainsi fouiller, en pleine sécurité, le ventre du géant.

Combien sont différentes les conditions dans la cellule de l’Eumène ! Les chenilles sont imparfaitement paralysées, peut-être parce qu’elles n’ont reçu qu’un seul coup d’aiguillon ; elles se démènent sous l’attouchement d’une épingle ; elles doivent se contorsionner sous la morsure de la larve. Si l’œuf est pondu sur l’une d’elles, cette première pièce sera consommée sans péril, je l’admets, à la condition d’un choix prudent pour le point d’attaque ; mais il reste les autres, non dépourvues de tout moyen de défense. Qu’un mouvement se produise dans l’amas, et l’œuf, dérangé de la couche supérieure, plongera dans un traquenard de pattes et de mandibules. Que faut-il pour le mettre à mal ?

Un rien ; et ce rien a toutes les chances de se réaliser dans le tas désordonné des chenilles. Cet œuf, menu cylindre, hyalin ainsi que du cristal, est d’une