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Pour l’Ammophile des anciens âges, l’essai ne se renouvelait qu’à de longs intervalles, d’une année à la suivante. Comment donc est sortie de l’urne du hasard cette série de neuf coups d’aiguillon sur neuf points choisis ? S’il me faut recourir à l’infini dans le temps, je crains bien de rencontrer l’absurde.

Vous reprenez : l’insecte n’est pas arrivé du premier coup à sa chirurgie actuelle ; il a passé par des essais, des apprentissages, des degrés d’habileté. La sélection a fait un triage, éliminant les moins experts, conservant les mieux doués ; et par le cumul des aptitudes individuelles, ajoutées à celles que transmettait l’hérédité, s’est progressivement développé l’instinct tel que nous le connaissons.

L’argument porte à faux : l’instinct développé par degrés est ici d’une impossibilité flagrante. L’art d’apprêter les provisions de la larve ne comporte que des maîtres et ne souffre pas des apprentis ; l’hyménoptère doit y exceller du premier coup ou ne pas s’en mêler. Deux conditions, en effet, sont de nécessité absolue : possibilité pour l’insecte de traîner au logis et d’emmagasiner un gibier qui le surpasse beaucoup en taille et en vigueur ; possibilité pour le vermisseau nouvellement éclos de ronger en paix, dans l’étroite cellule, une proie vivante et relativement énorme. L’abolition du mouvement dans la victime est le seul moyen de les réaliser, et cette abolition, pour être totale, exige des coups de dard multiples, un dans chaque centre d’excitation motrice. Si la paralysie et la torpeur ne sont pas suffisantes, le ver gris bravera les efforts du chasseur, luttera désespérément en route et ne parviendra pas à destination ; si l’immobilité n’est pas complète, l’œuf