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se garde bien d’y plonger le stylet : blesser à mort les ganglions cervicaux, ce serait tuer du coup la chenille, maladresse qu’il faut absolument éviter. Elle comprime seulement le cerveau entre ses mandibules, à coups mesurés ; et chaque fois elle s’arrête, elle s’informe de l’effet produit, car un point délicat est à atteindre, un certain degré de torpeur qu’il ne faut pas dépasser, sinon la mort surviendrait. Ainsi s’obtient la somnolence qui suspend la volition. Maintenant la chenille, incapable de résister, incapable de le vouloir, est saisie par la nuque et traînée vers le nid. Toute réflexion déparerait l’éloquence de semblables faits.

Par deux fois, l’Ammophile hérissée m’a fait assister à sa pratique chirurgicale. J’ai raconté ailleurs ma première observation, qui date de si loin. Faite à l’improviste, l’observation d’autrefois est moins explicite que celle d’aujourd’hui, préméditée et accomplie dans les conditions d’un loisir indéfini. Les deux se ressemblent pour la multiplicité des coups d’aiguillon, distribués avec méthode, d’avant en arrière, à la face ventrale. Le nombre de piqûres est-il bien le même dans les deux cas ? Actuellement il est juste de neuf. Pour la victime que je vis opérer sur le plateau des Angles, il me parut que le dard multipliait davantage les blessures, sans que je puisse préciser. Il peut très bien se faire que le nombre de coups de stylet varie un peu, et que les derniers anneaux de la chenille, bien moins importants que les autres, soient négligés ou atteints suivant la grosseur et la force de la proie qu’il faut immobiliser.

La seconde observation m’a montré en outre la compression du cerveau, manœuvre d’où dérive la torpeur