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ches un monde que notre organisation nous condamne sans doute à ne jamais explorer. Certaines propriétés de la matière, sur nous sans action qui puisse être perçue, ne peuvent-elles trouver, pour y répondre, un écho dans l’animal, outillé autrement que nous ?

Lorsque après les avoir aveuglées, Spallanzani lâchait des chauve-souris dans un appartement transformé en un labyrinthe par des cordons tendus suivant toutes les directions et par des amas de broussailles, comment ces animaux pouvaient-ils se reconnaître, voler rapidement, aller et venir d’un bout à l’autre de la pièce, sans se heurter aux obstacles interposés ? Quel sens analogue des nôtres les guidait ? Quelqu’un voudrait-il me le dire et surtout me le faire comprendre ? J’aimerais à comprendre aussi comment l’Ammophile, à l’aide des antennes, trouve infailliblement le terrier de sa chenille. Qu’on ne parle pas ici d’odorat ; il faudrait le supposer d’une finesse inouïe, tout en reconnaissant qu’il est servi par un organe où rien ne semble disposé pour la perception des odeurs.

Que d’autres choses incompréhensibles nous mettons sur le compte de l’odorat des insectes ! Nous nous payons d’un mot ; l’explication est toute trouvée, sans recherches pénibles. Mais si nous voulons mûrement y réfléchir, si nous comparons un ensemble convenable de faits, la falaise de l’inconnu se dresse abrupte, infranchissable par le sentier où nous nous obstinons. Changeons alors de sentier et reconnaissons que l’animal peut avoir d’autres moyens d’information que les nôtres. Nos sens ne représentent pas la totalité des modes par lesquels l’animal se met en rapport avec ce qui n’est pas lui ; il y en a d’autres, peut-être beaucoup,