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SOUVENIRS ENTOMOLOGIQUES

hors ligne sous le rapport de la sensibilité olfactive ; les effluves qui l’attirent sont perçus sans un odorat d’une finesse exceptionnelle. Lorsque, dans le cornet floral d’une aroïdée à odeur cadavéreuse s’engouffrent, pour ne plus en sortir, les Dermestes, les Silphes et les Histers ; lorsque des essaims de mouches bourdonnent autour d’un chien mort, à ventre bleu et ballonné, tout le voisinage est empuanti par l’infection. La chair décomposée, le fromage pourri exigent-ils de l’insecte, pour lui être révélés, un flair d’exquise précision ? Partout où nous voyons accourir ses hordes, avec le flair certainement pour guide, il y a pour nous une odeur.

Reste l’audition. Encore un sens sur lequel l’entomologie n’est pas convenablement renseignée. Où en est le siège ? Dans les antennes, dit-on. Ces fines tiges vibrantes sembleraient, en effet, assez aptes à s’ébranler sous l’impulsion sonore. L’Ammophile, qui explore les lieux avec les antennes, serait alors avertie de la présence du ver gris par un léger bruit remontant de terre, bruit des mandibules qui rongent une racine, bruit de la chenille qui remue sa croupe. Quel son faible et quelle difficulté pour sa propagation à travers le matelas spongieux de la terre !

Il est plus que faible, il est nul. Le ver gris est nocturne. Le jour, blotti dans son clapier, il ne bouge. Il ne ronge pas non plus ; du moins les vers gris que j’ai exhumés sur les indications de l’hyménoptère ne rongeaient rien du tout par la raison qu’il n’y avait rien à ronger. Ils étaient dans une couche de terre sans racines, en complète immobilité ; et par suite, silence. Le sens de l’ouïe doit être écarté comme celui de l’odorat.

La question revient, plus obscure que jamais. Com-