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LE VER GRIS

sans désemparer et sans parvenir encore à terminer les épreuves en projet, exige, pour être bien conduite, le loisir du chez soi. Le succès, je le dois donc au rustique laboratoire. Je livre le secret à qui voudra continuer ces magnifiques études ; la moisson est inépuisable, il y aura des gerbes pour tous.

En suivant la chasse de l’Ammophile dans l’ordre de ses actes, la première question qui se présente est celle-ci : comment fait l’hyménoptère pour reconnaître le point où gît sous terre le ver gris ?

Rien au dehors, pour la vue du moins, n’indique la cachette de la chenille. Le sol qui recèle la pièce de gibier peut être nu au gazonné, caillouteux ou terreux, continu ou fendillé de petites crevasses. Ces variations d’aspect sont indifférentes au chasseur, qui exploite tous les points sans préférence pour les uns plutôt que pour les autres. Partout où l’hyménoptère s’arrête et fouille avec quelque persistance, je n’aperçois rien de particulier malgré toute mon attention ; et cependant il doit y avoir un ver gris, comme je viens de m’en convaincre, coup sur coup, à cinq reprises, en prêtant main-forte à l’insecte, que rebutait d’abord un travail hors de proportion avec ses forces. La vue certainement n’est pas en cause ici.

Quel sens alors ? L’odorat ? Informons-nous. Les organes de recherche sont les antennes, tout l’affirme. De leur extrémité, fléchie en arc et animée d’une vibration continuelle, l’insecte palpe le sol, à petits coups, rapidement. Si quelque fissure se présente, les filets vibrants s’y introduisent et sondent ; si quelque touffe de gramen étale à fleur de terre son lacis de rhizomes, ils en fouillent les anfractuosités avec un redoublement