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En surveillant à Avignon les rares Anthophores que j’ai pu découvrir, il m’a été possible de saisir l’instant précis de leurs travaux ; et le jeudi suivant, 21 mai, je me suis rendu en toute hâte à Carpentras pour assister, s’il était possible, à l’entrée des Sitaris dans les cellules de l’abeille. Je ne me suis pas trompé, les travaux sont en pleine activité.

Devant une haute nappe de terre, s’agite un ballet en démence, un essaim stimulé par le soleil, qui l’inonde de lumière et de chaleur. C’est une nuée d’Anthophores de quelques pieds d’épaisseur et d’une étendue mesurée sur celle de l’espèce de façade que forme le sol à pic. Du sein tumultueux de la nue s’élève un monotone et menaçant murmure, tandis que le regard s’égare, sans pouvoir se retrouver, au milieu des inextricables évolutions de l’ardente cohue. Avec la rapidité de l’éclair, des milliers d’Anthophores s’éloignent incessamment et se dispersent dans la campagne pour butiner ; incessamment aussi des milliers d’autres arrivent, chargées de miel ou de mortier, et maintiennent l’essaim dans les mêmes redoutables proportions.

Quelque peu novice alors sur le caractère de ces insectes, malheur, me disais-je, malheur à l’imprudent qui pousserait l’audace jusqu’à pénétrer au cœur de l’essaim, et surtout jusqu’à porter une main téméraire sur les demeures en construction ! Aussitôt enveloppé par la foule furieuse, il expierait sa folle entreprise sous mille coups d’aiguillon. À cette pensée, rendue plus alarmante par le souvenir de certaines mésaventures dont j’ai été victime en voulant observer de trop près les gâteaux des Frelons (Vespa Crabro), je sens