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nom, sans intérêt aucun, et si elle se trouve dans nos bois, je suis à peu près certain qu’il me l’apportera, qu’il m’indiquera le point où je peux la récolter. La botanique de l’infiniment petit ne déroute pas même sa clairvoyance. Pour compléter un travail que j’ai publié sur les Sphériacées de Vaucluse, dans la mauvaise saison, lorsque l’insecte chôme, je reprends la patiente herborisation à la loupe. Si la gelée a durci la terre, si la pluie l’a réduite en bouillie, je détourne Favier du travail du jardin pour l’amener à travers bois ; et là, dans le fouillis de quelque roncier, nous cherchons de concert ces microscopiques végétaux qui mouchettent de points noirs les brindilles jonchant le sol. Il appelle les plus grosses espèces de la poudre à canon, expression juste déjà employée par les botanistes pour désigner une de ces Sphériacées. Il se sent tout glorieux de son lot de trouvailles, plus riche que le mien. S’il lui tombe sous la main une superbe Rosellinie, amas de mamelles noires qu’enveloppe une ouate vineuse, une pipe est fumée pour payer un tribut à l’enthousiasme du moment.

Il excelle surtout pour me débarrasser de l’importun rencontré dans mes pérégrinations. Le paysan est curieux, questionneur comme l’enfant ; mais sa curiosité est assaisonnée de malice, ses questions sous-entendent la raillerie. Ce qu’il ne comprend pas, il le tourne en dérision. Et quoi de plus risible qu’un monsieur regardant à travers un verre une mouche capturée avec un filet de gaze, un éclat de bois pourri cueilli à terre ? Favier, d’un mot, coupe court à la narquoise interrogation.

Nous cherchions à la surface du sol, pas à pas, incli-