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sortent précipitamment, à demi englués et trébuchant à chaque pas ; ceux enfin que je me figurais avoir le plus favorisés en les déposant sur le miel même, se débattent, s’empêtrent dans la masse gluante et y périssent étouffés. Jamais expérience n’a subi pareille déconfiture. Larves, nymphes, cellules, miel, je vous ai tout offert ; que voulez-vous donc, bestioles maudites ?

Lassé de toutes ces tentatives sans résultat, je finis par où j’aurais dû commencer, je me rendis à Carpentras. Mais il était trop tard : l’Anthophore avait fini ses travaux, et je ne parvins à rien voir de nouveau. Dans le courant de l’année, j’appris de L. Dufour, à qui j’avais parlé des Sitaris, j’appris, dis-je, que l’animalcule trouvé par lui sur les Andrènes et décrit sous le nom générique de Triungulinus, avait été reconnu plus tard par Newport comme étant la larve d’un Méloé. Or, j’avais trouvé précisément quelques Méloés dans les cellules de la même Anthophore qui nourrit les Sitaris. Y aurait-il parité de mœurs entre les deux genres d’insectes ? Ce fut pour moi un trait de lumière ; mais j’eus tout le temps de mûrir mes projets : il me fallait encore attendre une année.

Le mois d’avril venu, mes larves de Sitaris se mirent, comme à l’ordinaire, en mouvement. Le premier hyménoptère venu, une Osmie, est jeté vivant dans un flacon où se trouvent quelques-unes de ces larves, et au bout d’un quart d’heure de séjour, je les visite à la loupe. Cinq Sitaris sont implantés dans la toison du thorax. C’est fait, le problème est résolu !… Les larves de Sitaris, comme celles des Méloés, se cramponnent à la toison de leur amphitryon et se font voiturer par lui jusque dans la cellule. Dix fois je recommence