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quatre segments antérieurs de l’abdomen. Ce sont autant de grappins à l’aide desquels l’animal peut avancer dans l’étroite galerie creusée par le boutoir. Enfin un faisceau de pointes acérées forme l’armure de l’extrémité postérieure. Si l’on examine attentivement la surface de la nappe verticale qui recèle ces divers nids, on ne tarde pas à découvrir des nymphes pareilles aux précédentes, engagées par leur extrémité dans une galerie de leur diamètre, et dont l’extrémité antérieure est librement saillante au dehors. Mais ces nymphes sont réduites à leurs dépouilles, sur le dos et sur la tête desquelles règne une longue fissure par où s’est échappé l’insecte parfait. La destination de la puissante armure de la nymphe devient ainsi manifeste : c’est la nymphe qui est chargée de déchirer le cocon tenace qui l’emprisonne, de fouiller le sol compact où elle est enfouie, de creuser une galerie avec son boutoir à six pointes, et d’amener enfin au jour l’insecte parfait, incapable apparemment d’exécuter lui-même d’aussi rudes travaux.

Et en effet, ces nymphes, prises dans leurs cocons, m’ont donné dans l’intervalle de quelques jours un débile diptère, l’Anthrax sinuata, tout à fait impuissant à percer le cocon, et encore plus à se frayer une issue à travers un sol que je ne fouille pas sans peine avec la pioche. Bien que de pareils faits abondent dans l’histoire des insectes, c’est toujours avec un vif intérêt qu’on les constate. Ils nous parlent d’une incompréhensible puissance qui, tout à coup, à un moment déterminé, commande irrésistiblement à un obscur vermisseau d’abandonner la retraite où il est en sûreté, pour se mettre en marche à travers mille diffi-