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l’Aranéide n’use pas de ses crochets. Il y a là une sorte de suspension d’armes, une convention tacite de s’interdire les coups mortels ; ou plutôt, il y a démoralisation par la captivité, et les deux adversaires ne sont plus d’humeur assez belliqueuse pour jouer du stylet. La quiétude du Pompile, qui continue à se friser crânement en face de la Ségestrie, me rassure sur le sort de mon prisonnier ; pour plus de sûreté cependant, je lui jette un chiffon de papier, dans les plis duquel il trouvera refuge pendant la nuit. Il s’y installe, à l’abri de l’Araignée. Le lendemain, je le trouve mort. Pendant la nuit, la Ségestrie, aux habitudes nocturnes, avait repris son audace et poignardé son ennemi. Je le soupçonnais bien que les rôles pouvaient s’intervertir ! Le bourreau d’hier est la victime d’aujourd’hui.

Je remplace le Pompile par une Abeille domestique. Le tête-à-tête ne fut pas long. Deux heures plus tard, l’Abeille était morte, mordue par l’Araignée. Un Eristale a le même sort. La Ségestrie cependant ne touche à aucun des deux cadavres, pas plus qu’elle n’avait touché au cadavre du Pompile. Dans ces meurtres, la captive paraît n’avoir eu d’autre but que de se débarrasser d’un voisin turbulent. Quand viendra l’appétit, peut-être les victimes seront-elles utilisées ? Elles ne le furent pas, et par ma faute. Je mis dans le flacon un Bourdon de moyenne taille. Un jour plus tard, l’Araignée était morte ; son rude compagnon de captivité avait fait le coup.

Terminons là ces duels, irréguliers dans la prison de verre, et complétons l’histoire du Pompile que nous avons laissé au pied de la muraille avec la Ségestrie paralysée. Il abandonne la proie à terre pour revenir