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les prisonniers, que je capturai d’après les méthodes connues du lecteur. Pour qui jette un cri d’effroi à la vue d’une Araignée, mon cabinet, peuplé d’affreuses Lycoses, eût paru séjour peu rassurant.

Si la Tarentule dédaigne ou plutôt n’ose attaquer un adversaire qu’on met en sa présence dans un flacon, elle n’hésite guère à mordre celui qu’on met sous ses crochets. Je saisis l’Aranéide par le thorax avec des pinces, et je présente à sa bouche l’animal que je veux faire piquer. À l’instant, si la bête n’a pas été déjà fatiguée par des expériences, les crochets s’ouvrent et s’implantent. C’est sur le Xylocope que j’ai d’abord essayé les effets de la morsure. Atteint à la nuque, l’hyménoptère succombe à l’instant. C’est la mort foudroyante dont j’ai été témoin sur le seuil des terriers. Atteint à l’abdomen et remis alors dans un large flacon qui le laisse libre dans ses mouvements, l’insecte semble d’abord ne rien avoir éprouvé de sérieux. Il vole, il se démène, il bourdonne. Mais une demi-heure ne s’est pas écoulée que la mort est imminente. Couché sur le dos ou sur le flanc, l’insecte est immobile. À peine quelques mouvements des pattes, quelques pulsations du ventre, qui se continuent jusqu’au lendemain, annoncent que la vie ne s’est pas encore totalement retirée. Puis tout cesse : le Xylocope est un cadavre.

La portée de cette expérience s’impose à l’attention. Piqué dans la région cervicale, le vigoureux hyménoptère périt à l’instant même ; et l’Aranéide n’a pas à redouter les périls d’une lutte désespérée. Piqué autre part, à l’abdomen, l’insecte est capable, près d’une demi-heure de faire usage de son dard, de ses mandibules, de ses pattes ; et malheur à la Lycose