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par un, dans des flacons de petit volume mais de large goulot, capable d’entourer l’entrée du terrier, comme je l’ai dit au sujet de la chasse avec un Bourdon pour appât.

La proie que je vais offrir étant capable d’en imposer, je fais choix des Tarentules les plus vigoureuses, les plus hardies, les plus stimulées par la faim. Le chaume avec épillet est plongé dans le terrier. Si la Lycose accourt tout de suite, si elle est de belle taille, si elle monte hardiment jusqu’à l’orifice de sa demeure, elle est admise au tournoi ; dans le cas contraire, elle est refusée. Le flacon, avec un Xylocope pour amorce, est renversé sur la porte de l’une des élues. L’hyménoptère gravement bruit dans sa cloche ; le chasseur remonte du fond de l’antre ; il est sur le seuil de sa porte, mais en dedans ; il regarde, il attend. J’attends aussi. Les quarts d’heure, les demi-heures se passent : rien. L’Aranéide redescend chez elle : elle a probablement jugé le coup trop dangereux. Je passe à un second terrier, à un troisième, à un quatrième : rien toujours, le chasseur ne veut pas sortir de son repaire.

La fortune sourit enfin à ma patience, bien mise à contribution par tant de prudentes retraites et surtout par la chaleur caniculaire de la saison. L’une bondit soudain hors de son trou, aguerrie sans doute par une abstinence prolongée. Le drame qui se passe sous le couvert du flacon a la durée d’un clin d’œil. C’est fait : le robuste Xylocope est mort. Où le meurtrier l’a-t-il atteint ? La constatation est aisée : la Tarentule n’a pas lâché prise, et ses crochets sont implantés en arrière de la nuque, à la naissance du cou.