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dant que se soient calmées les convulsions de l’agonie. C’est alors que le chasseur revient au gibier. Dans ces conditions, aucun danger sérieux. Pour la Lycose, le métier est plus chanceux. N’ayant à son service que son audace et ses crochets, elle doit bondir sur le périlleux gibier, le dominer par sa dextérité, le foudroyer en quelque sorte par son talent de rapide tueur.

Foudroyer est le mot : les Bourdons que je retire du trou fatal le démontrent assez. Dès que cesse ce bruissement aigu que j’ai appelé chant de mort, vainement je me hâte de plonger mes pinces : je retire toujours l’insecte mort, trompe étirée et pattes flasques. À peine quelques frémissements des pattes annoncent que c’est un cadavre très récent. La mort du Bourdon est instantanée. Chaque fois que je retire une nouvelle victime du fond du terrible abattoir, ma surprise renaît devant son immobilité soudaine.

Cependant l’un et l’autre ont à peu près même vigueur : je choisis mes Bourdons parmi les plus gros (Bombus hortorum et B. terrestris). Les armes se valent presque ; le dard de l’hyménoptère peut soutenir la comparaison avec les crochets de l’Araignée ; la piqûre du premier me semble aussi redoutable que la morsure du second. Comment se fait-il que la Tarentule ait toujours le dessus, et de plus dans une lutte très courte, d’où elle sort indemne ? Il y a certainement de sa part une tactique savante. Si subtil que soit son venin, il m’est impossible de croire que son inoculation seule, en un point quelconque de la victime, suffise pour un dénouement si prompt. Le serpent à sonnettes, de terrible renom, ne tue pas aussi vite. Il lui faut des heures, et à la Tarentule pas même une seconde. C’est donc l’im-