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Ces méthodes de chasse n’avaient pas précisément pour but de me procurer des Tarentules ; je tenais fort peu à élever l’Aranéide dans un flacon. Un autre sujet me préoccupait. Voici, me disais-je, un ardent chasseur, qui vit uniquement de son métier. Il ne prépare pas de conserves alimentaires pour sa descendance ; il se nourrit lui-même de la proie saisie. Ce n’est pas un paralyseur, qui ménage savamment son gibier pour lui laisser un reste de vie et le maintenir frais des semaines entières ; c’est un tueur, qui sur-le-champ fait repas de sa venaison. Avec lui, pas de vivisection méthodique, qui abolisse les mouvements sans abolir la vie, mais une mort complète, aussi soudaine que possible, qui sauvegarde l’assaillant des retours offensifs de l’assailli.

Son gibier, d’ailleurs, doit être robuste et pas toujours des plus pacifiques. À ce Nemrod, embusqué dans sa tourelle, il faut une proie digne de sa vigueur. Le gros Acridien, à la forte mâchoire, la Guêpe irascible, l’Abeille, le Bourdon et autres porteurs de dague empoisonnée, doivent de temps en temps donner dans l’embuscade. Le duel est presque à parité d’armes. Aux crochets venimeux de la Lycose, la Guêpe oppose son stylet venimeux. Qui des deux bandits aura le dessus ? La lutte est corps à corps. Pour la Tarentule, nul moyen secondaire de défense ; pas de lacet pour lier la victime, pas de traquenard pour la maîtriser. Lorsque, dans sa grande toile verticale, une Epeire voit un insecte empêtré, elle accourt et par brassées jette sur le captif des nappes de cordages, des rubans de soie, qui rendent toute résistance impossible. Sur la proie solidement garrottée, une piqûre est prudemment faite avec les crochets à venin ; puis l’Araignée se retire, atten-