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si rien d’extraordinaire ne se passait. Enfin, si les cellules éventrées sont assez élevées et contiennent provision suffisante, l’insecte dépose son œuf, met une porte au logis et passe à des fondations nouvelles sans porter remède à la fuite du miel. Deux ou trois jours après, ces cellules ont perdu tout leur contenu, qui forme longue traînée à la surface du gâteau.

Est-ce par défaut d’intellect que l’abeille laisse le miel se perdre ? Ne serait-ce pas plutôt par impuissance ? Il pourrait se faire que le mortier dont la maçonne dispose ne fût pas apte à faire prise sur les bords d’un trou englué de miel. Celui-ci peut-être empêcherait le ciment de s’adapter à l’orifice ; et alors l’inaction de l’insecte serait résignation à un mal irréparable. Informons-nous avant de rien conclure. — Avec des pinces, j’enlève à une abeille sa pelote de mortier et je l’applique contre le trou d’où le miel suinte. Ma réparation obtient un plein succès, quoique je ne puisse me flatter de rivaliser d’adresse avec la maçonne. Pour un travail fait de main d’homme, c’est très acceptable. Ma truelle de mortier fait corps avec la paroi éventrée, elle durcit comme d’habitude et le miel ne coule plus. Voilà qui est bien. Que serait-ce si le travail avait été fait par l’insecte, doué d’outils d’exquise précision ? Si le Chalicodome s’abstient, ce n’est donc pas impuissance de sa part, ce n’est pas défaut de qualités convenables dans la matière employée.

Une autre objection se présente. N’est-ce pas aller trop loin que d’admettre dans l’intellect de l’insecte cette liaison d’idées : le miel coule parce que la cellule est trouée ; pour l’empêcher de se perdre, il faut boucher le trou. Tant de logique excède peut-être sa