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À ces renseignements je joindrai quelques aperçus généraux qui faciliteront l’intelligence de ce qui va suivre. Tant qu’il reste dans les conditions normales, l’insecte a ses actes très rationnellement calculés en vue du but à obtenir. Quoi de plus logique, par exemple, que les manœuvres de l’hyménoptère giboyeur paralysant sa proie pour la conserver fraîche à sa larve, et donner à celle-ci néanmoins pleine sécurité ? C’est supérieurement rationnel ; nous ne trouverions pas mieux ; et cependant l’insecte n’agit pas ici par raison. S’il raisonnait sa chirurgie, il serait notre supérieur. Il ne viendra à l’esprit de personne que l’animal puisse, le moins du monde, se rendre compte de ses savantes vivisections. Ainsi, tant qu’il ne sort pas de la voie à lui tracée, l’insecte peut accomplir les actes les plus judicieux sans que nous soyons en droit d’y voir la moindre intervention de la raison.

Qu’adviendrait-il dans des circonstances accidentelles ? Ici deux cas sont formellement à distinguer si nous ne voulons nous exposer à de fortes méprises. Et d’abord l’accident survient dans un ordre de choses dont l’insecte est en ce moment occupé. En ces conditions, l’animal est capable de parer à l’accident ; il continue, sous une forme similaire, le travail auquel il se livrait ; il reste, enfin, dans son état psychique actuel. En second lieu, l’accident a rapport à un ordre de choses qui remonte plus haut, il a trait à une œuvre finie dont l’insecte n’a plus normalement à s’occuper. Pour parer à cet accident, l’animal aurait à remonter son courant psychique, il aurait à refaire ce qu’il a fait tantôt pour se livrer après à autre chose. L’insecte en est-il capable ; saura-t-il laisser l’actuel pour revenir sur le passé,