Page:Fabre - Souvenirs entomologiques, deuxième série, 1894.pdf/175

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

peu plus tard, le récolteur redevient maçon ; et ces alternatives se renouvellent jusqu’à ce que la cellule ait la hauteur réglementaire et possède la quantité de miel nécessaire à la larve. Ainsi reviennent tour à tour, plus ou moins nombreux dans chaque série, les voyages au sentier aride, où le ciment se récolte et se gâche, et les voyages aux fleurs, où le jabot se gonfle de miel et le ventre s’enfarine de pollen.

Vient enfin le moment de la ponte. On voit l’abeille arriver avec une pelote de mortier. Elle donne un coup d’œil à la cellule pour s’enquérir si tout est en ordre ; elle y introduit l’abdomen et la ponte se fait. À l’instant, la pondeuse met les scellés au logis ; avec sa pelote de ciment, elle clôt l’orifice, et ménage si bien la matière, que le couvercle est façonné au complet dans cette première séance ; il ne lui manque que d’être épaissi, consolidé par de nouvelles couches, œuvre qui presse moins et se fera tantôt. Ce qui est pressant, paraît-il, aussitôt opéré le dépôt sacré de l’œuf, c’est de fermer la cellule et d’éviter ainsi des visites malintentionnées en l’absence de la mère. L’abeille doit avoir de graves motifs de hâter ainsi la clôture. Qu’adviendrait-il si, la ponte faite, elle laissait le logis ouvert et s’en allait à la carrière de ciment chercher de quoi murer la porte ? Quelque larron surviendrait peut-être, qui remplacerait l’œuf du Chalicodome par le sien. Nous verrons que de tels larcins ne sont pas supposition gratuite. Toujours est-il que la maçonne ne pond jamais sans avoir aux mandibules la pelote de mortier nécessaire pour la construction immédiate de l’opercule. L’œuf chéri ne doit pas rester un seul instant exposé aux convoitises des maraudeurs.