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compte de cette première expédition ; les autres seront plus concluantes. Pour le moment, le Pompile retrouve, sans hésitation aucune, la touffe d’herbe où gisait sa proie. Alors marches et contre-marches dans cette touffe, explorations minutieuses, retours fréquents au point même où l’araignée avait été déposée. Enfin, convaincu qu’elle n’est plus là, l’hyménoptère arpente les environs, à pas lents, les antennes palpant le sol. L’araignée est aperçue sur le point découvert où je l’avais mise. Surprise du Pompile, qui s’avance, puis brusquement recule avec un haut-le-corps. Est-ce vivant ? Est-ce mort ? Est-ce bien là mon gibier ? semble-t-il se dire. Méfions-nous !

L’hésitation n’est pas longue : le chasseur happe l’araignée et l’entraîne à reculons, pour la déposer, toujours en haut lieu, sur une seconde touffe de verdure, distante de la première de deux à trois pas. Ensuite il revient au terrier, où quelque temps il fouille. Pour la seconde fois, je déplace l’araignée, que je dépose à quelque distance, en terrain nu. C’est le moment pour apprécier la mémoire du Pompile. Deux touffes de gazon ont servi de reposoir provisoire au gibier. La première, où il est revenu avec tant de précision, l’insecte pouvait la connaître par un examen un peu approfondi, par des visites réitérées qui m’échappent ; mais la seconde n’a fait certainement en sa mémoire qu’une impression superficielle. Il l’a adoptée sans aucun choix étudié ; il s’y est arrêté tout juste le temps nécessaire pour hisser son araignée au sommet ; il l’a vue pour la première fois, et il l’a vue à la hâte, en passant. Ce rapide coup d’œil suffira-t-il pour en garder exact souvenir ? D’ailleurs, dans la mémoire de