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s’ajoutant à notre lot, quelle acquisition, quelle cause de progrès ! Pourquoi en sommes-nous privés ? C’était une belle arme et de grande utilité pour le struggle for life. Si, comme on le prétend, l’animalité entière, y compris l’homme, provient d’un moule unique, la cellule originelle, et se transforme d’elle-même à travers les âges, favorisant les mieux doués, laissant dépérir les moins bien doués, comment se fait-il que ce sens merveilleux soit le partage de quelques humbles, et n’ait pas laissé de trace dans l’homme, le point culminant de la série zoologique ? Nos précurseurs ont été bien mal inspirés de laisser perdre un si magnifique héritage ; c’était plus précieux à garder qu’une vertèbre au coccyx, un poil à la moustache.

Si la transmission ne s’est pas faite, ne serait-ce pas faute d’une parenté suffisante ? Je soumets le petit problème aux évolutionnistes, et suis très désireux de savoir ce qu’en disent le protoplasme et le nucléus.

Ce sens inconnu est-il localisé quelque part chez les hyménoptères, s’exerce-t-il au moyen d’un organe spécial ? On songe immédiatement aux antennes. C’est aux antennes qu’on a recours toutes les fois que nous ne voyons pas bien clair dans les actes de l’insecte ; on leur accorde volontiers ce dont notre cause a besoin. Je ne manquais pas d’ailleurs d’assez bonnes raisons pour leur soupçonner la sensibilité directrice. Lorsque l’Ammophile hérissée recherche le ver gris, c’est avec les antennes, petits doigts palpant continuellement le sol, qu’elle paraît reconnaître la présence du gibier sous terre. Ces filets explorateurs, qui semblent diriger l’animal en chasse, ne pourraient-ils aussi le diriger en voyage. C’était à voir et j’ai vu.