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Ramasse-la pieusement, à deux genoux,
Ainsi qu’un pèlerin aux pentes du Calvaire,
De préférence sur tel tertre solitaire
Où la petite croix d’aubépine ou de houx
Marque la place où dort un soldat de chez nous.

Serre bien ton trésor, ne le perds pas en route,
N’en parle point aux sots qui pourraient t’en railler ;
Plus que jamais fais de ton sac ton oreiller ;
L’âme du mort tout bas te parlera sans doute
Et le mort fut toujours le meilleur conseiller !

En rentrant fais deux parts de la sainte poussière :
Sèmes-en une, un soir, sur les tombes de ceux
Qui dorment dans un coin de l’étroit cimetière,
Morts, hélas ! de savoir leurs enfants morts loin d’eux.
À ce contact, leurs os frémiront dans leur bière.

Le lendemain, à l’heure où le soleil levant
Fait chanter l’alouette et crier la charrue,
Va revoir l’humble clos dont la pluie et le vent
Ont fait en ton absence une friche bourrue,
Mais que tes soins rendront plus fertile qu’avant.