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XV

le rompeur des nègres.


L’aurore du 1er janvier 1834, son vent aigu, son âpre gelée en harmonie avec l’hiver de mon cœur, me trouvèrent nippes dans un mouchoir, mouchoir au bâton, et bâton sur l’épaule, en route pour m’aller faire rompre chez messire Covey.

Huit à dix ans s’étaient écoulés depuis ma séparation d’avec grand’mère ; j’avais traversé bien des péripéties de la vie esclave, j’allais en sonder d’autres profondeurs.

Fuir ! impossible. Pris comme un poisson qui joue encore dans le filet, mais que le filet traîne sur la grève ; mes pensées pouvaient s’ébattre, ma destinée m’emprisonnait.

J’arrivai bientôt en face d’une construction bâtie de planches : le palais Covey. Il s’élevait sur les rives de la baie. L’île Poplar, noire de sapins, se dressait vis-à-vis. Keat-Point s’allongeait aride au sein des flots. Verdâtre était la mer, grisâtre l’écume ; l’aspect général, sauvage et désolé. — J’entrai. La maisonnée se composait de M. et mistress Covey ; de mistress Kemp, sœur de cette dernière ; de William, frère du dompteur ; de