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chez mes nouveaux maîtres, M. et mistress Hugh Auld.

Ils m’attendaient sur le seuil de leur maison, tenant par la main leur petit Thomas aux joues vermeilles. C’est de lui que je devais m’occuper. C’est à lui, qu’en fait m’avait donné Captain Anthony, bien plus qu’à ses parents. Nul doute que, dès cet instant, M. et mistress Auld ne me regardassent comme la propriété du bébé.

Quoi qu’il en soit, les traits de ma maîtresse, éclairés de bienveillance ; la douceur de son expression, la tendresse de ses regards, les diverses questions qu’elle m’adressait pour me mettre à l’aise, me gagnèrent le cœur, et relevèrent quelque peu mes perspectives d’avenir.

— Voilà Freddy ! ton Freddy, qui prendra soin de toi ! — dit-elle d’un ton amical au bébé. Puis, se tournant vers moi : — Tu seras bon pour Tommy ! ajouta-t-elle. — Recommandation superflue, car déjà j’aimais Tommy !

C’est ainsi que, introduit dans la famille, initié à mes devoirs, je vis pour la première fois un ciel sans nuage, s’étendre d’un bout à l’autre de mon horizon.

Envisagé au point de vue des probabilités humaines, mon départ de la ferme, ma transplantation chez M. Auld, fut un des plus décisifs, un des plus heureux événements de mon existence.

Si je n’avais été arraché aux brutalités de l’esclavage, avant qu’elles eussent exercé leur férocité sur moi ; si je ne leur étais pas échappé, avant que la main pesante du dresseur d’esclaves n’eût écrasé ma jeune énergie ; je serais resté, jusqu’au moment de la guerre libératrice, ployé sous le joug.