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coordonne, et, avec la rapidité de l’éclair, en tire des conclusions que rien n’ébranlera plus.

À neuf ans, j’étais aussi convaincu du caractère injuste, odieux, meurtrier de l’esclavage, que je le suis aujourd’hui.

Nul besoin ni de livres ni de lois pour cela : Regarder Dieu comme notre Père, c’est condamner l’esclavage comme criminel.


Je me trouvais dans ces dispositions, lorsque mistress Lucretia, me faisant appeler, m’apprit que son père, Captain Anthony, m’envoyait à Baltimore, pour y vivre chez M. Hugh Auld, frère de son mari.

Je n’oublierai pas mon extase à cette nouvelle ! Les trois jours qui précédèrent mon départ, furent les plus heureux de ma vie.

Je les passai presque entièrement dans la crique. Mistress Letitia ne m’avait-elle pas dit : que rien n’égalait la propreté des habitants de Baltimore ! Ne m’avait-elle pas engagé à faire peau neuve ! Ne m’avait-elle pas promis une paire de pantalons ! — En conséquence, je frottais, frottais, frottais, jambes, bras et visage, travaillant pour la première fois avec ce zest que donne l’espoir de toucher le but.

À peine consentais-je à dormir, tant je craignais d’être oublié. Les liens qui attachent les enfants à leur home, n’existaient pas pour moi. Si je devais rencontrer la rigueur, la faim, la nudité ; eh bien, je les connaissais de longue date : je pouvais les affronter à Baltimore, comme je les avais endurées sur les terres du colonel.