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je parvenais à m’y endormir. À m’y trouver confortable, non. Telles étaient les crevasses creusées sur mes pieds par le froid, que la plume avec laquelle j’écris, aurait pu s’y enfoncer.

Une fois par jour, la bouillie de maïs — notre seul repas régulier — entassée dans une auge, était placée ou sur le plancher de la cuisine, ou dehors, sur le sol. Appelés comme poulets ou dindonneaux, les enfants accouraient, chacun armé d’une coquille d’huître, de quelque fragment de bardeau, et dévoraient la pâture. Les plus vigoureux festinaient le mieux ; nul ne mangeait à sa faim.

Privé des faveurs de tante Katy, j’étais habituellement caressé du revers de sa main — qui n’était pas tendre — qu’il s’agît d’une plainte de mes camarades, ou de mes propres griefs.


Mes pensées cependant, croissaient avec ma taille ; la conscience de ma misère s’affirmait en moi. Hostilités de tante Katy, faim, pénurie ; écho terrible des abominations qui se perpétraient aux alentours : lâchetés, tourments, crimes dont j’étais témoin, tout me faisait désirer ardemment de n’être jamais né.

Et quand je levais mes yeux, que je voyais les merles aux ailes rouges s’ébattre sur les grands arbres, j’enviais leur sort. Heureux chanteurs, qui voyageaient librement par les airs… et qui avaient un nid.

Il est, dans la vie de l’enfant, des jours songeurs — il y en avait dans la mienne — où leur esprit, étreignant toutes les notions éparses jusque-là, les presse, les