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perpétré par sa maîtresse, mistress Hicks ! — Bonne du dernier-né, l’infortunée, à bout de fatigues et de veilles, s’était cette nuit-là, si profondément endormie, que les pleurs du bébé passèrent inaperçus.

Mistress Hicks, accourue au premier bruit, transportée de colère, saisit une bûche, et pour enseigner à son esclave la vigilance, l’en assomma. Cette fois, la justice, qui d’ordinaire dormait, elle aussi, s’éveilla.

Mistress Hicks avait promptement fait enterrer son esclave ; le jury la fit déterrer. L’assassinat fut reconnu, un mandat d’arrêt lancé contre mistress Hicks ; après quoi, ni le mandat ne fut exécuté, ni mistress Hicks n’eut la honte de comparaître à la barre du tribunal… et tout continua comme devant.


Voulez-vous un autre fait ?

Sur le bord de la Wye, vivait un M. Bondley, riche planteur.

Pauvrement alimentés, les esclaves riverains avaient coutume d’aller, la nuit, emprunter à un banc d’huîtres quelque supplément de nourriture. M. Bondley prit à cœur de faire cesser l’attentat. Soigneusement embusqué, guettant un vieux misérable, dont la main tremblante détachait deux ou trois coquillages, parmi les millions qui pavaient le fond du courant ; M. Bondley, notre vertueux planteur, lui déchargea bravement son mousquet en plein dos. La blessure, chose inouïe, n’était pas mortelle. L’esclave appartenait à M. Lloyd. M. Bondley se présenta chez le colonel. Ce qui se passa, je l’ignore ; ce que je sais, c’est que, l’entrevue