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« … Il nous sied, à nous, frères et citoyens de couleur, dont le deuil s’unit au deuil général ; à nous, dont le cœur a battu d’indignation, d’amour, d’espoir, de détresse, avec le grand cœur de la nation tout entière ; il nous sied, à nous dont les émotions ont suivi cet héroïque, ce long duel de la vie contre la mort ; à nous, qui avons partagé ces agonies ; il nous sied de pleurer ensemble, pour notre propre compte ! Il convient que notre race pousse un cri distinct des autres : un cri, qu’entende d’un bout à l’autre bout de l’Amérique, le peuple américain !

« … Des orateurs mieux autorisés, vous parleront du caractère privé de M. Garfield. À moi de vous dire qu’il nous aimait, qu’il se préoccupait de notre avenir.

« Appelé dans son cabinet, peu temps après l’élection, nous eûmes sur ce sujet, lui et moi, un entretien sérieux et prolongé :

« — Le temps est venu, me dit-il, de faire un pas en avant ; de répondre ainsi, aux justes réclamations des citoyens de couleur !

« Puis, manifestant l’intention d’envoyer à d’autres nations qu’à des nations noires, nos noirs représentants :

« — Comment seront-ils reçus des races blanches ? s’écria-t-il.

« — Parfaitement ! répondis-je. Plus on se rapproche des sommets, plus s’effacent les bas-fonds du préjugé. Mais, ajoutai-je, pour que toutes les classes américaines soient également respectées au dehors, il faut que toutes, égales chez nous, rencontrent au dedans