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La famille de Captain consistait en deux fils : Richard et André ; puis une fille, récemment mariée au capitaine Thomas Auld.

Tante Katy régnait dans la cuisine, ayant sous ses ordres tante Esther — bien plus jeune — sans compter dix ou douze négrillons de mon âge à peu près.

Captain Anthony possédait trois fermes (district Tuckahoe) ; sur ces fermes trente esclaves, dont chaque année il vendait un. Le marché lui rapportait tantôt sept cents, tantôt huit cents dollars, lesquels s’ajoutant au revenu de ses fermes et à ses honoraires d’intendant, formaient un joli denier.

Les plus aristocratiques distinctions régnaient sur la plantation Lloyd. — La famille de Captain Anthony n’était pas reçue dans la Grande Maison. Même distance, infranchissable, séparait le clan Seveir, du clan Aaron Anthony. — Les Lloyd, cela va de soi, n’abordaient pas nos quartiers.

Et pourtant, je jouais fréquemment avec un des petits-fils du colonel : Daniel Lloyd ; et c’est à lui que je dois d’avoir perdu, dès l’enfance, l’accent avec le parler nègre. — Juste effet des lois de compensation qui règnent ici-bas : nos maîtres ne pouvaient maintenir notre ignorance, sans en voir s’étendre sur eux les ombres ; ils ne pouvaient nous rapprocher d’eux, sans qu’un rayon de leur lumière ne vint nous éclairer.

Un autre des petits-fils du colonel, Edward, bien que sans relations directes avec nous, s’était attiré notre respect. Il ne nous avait jamais témoigné de mépris : cela suffisait.