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distante, d’une politesse empesée, elle admet néanmoins ce fait, on le sent, que ma présence pour un jour ou deux sous son toit, n’endommagera pas trop grièvement l’honneur de la famille.

On sert le thé M. Hilles est invisible ; il a perdu l’appétit : cas de négrophobie, je connais cela. Sympathie pour son mal, influence paralysante de l’entourage, à peine si je puis avaler un morceau ou prononcer une parole. Ainsi se passe le premier soir.

Le lendemain était un dimanche, : Je devais parler quatre fois, dans la Town Hall : 10 heures, A M ; 1 heure, P M ; 5 heures, idem ; 7 heures 1/2, idem.

M. Hilles, moment venu, avance en phaéton devant le porche, aide sa femme à monter, secoue les guides, et se tournant vers moi — deux places restaient vacantes derrière lui — me dit gravement :

— Vous saurez trouver votre chemin, je suppose ?

— Je suppose que je le saurai. — fais-je avec non moins de gravité, tout en brassant la poussière.

Arrivé dans la Town Hall, personne pour me présenter à l’assemblée[1]. Mais j’avais devant moi le visage de mistress Hilles, grave, éclairé de douceur ; et je m’en tire de mon mieux jusqu’à midi, heure sacramentelle des luncheons[2]. Chacun s’en va trouver le sien. Nul ne m’en offre miette, de sorte que me voilà seul, vis-à-vis des bancs déserts. Une heure et demie sonnant, mon

  1. En Amérique, de même qu’en Angleterre, le chairman (président) introduit toujours le prédicateur étranger auprès de la congrégation. — Trad.
  2. Second déjeuner. — Trad.