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génération, détournant ses yeux d’un passé mort et corrompu, regardait, joyeuse, le front resplendissant de lumière, vers les gloires de l’avenir !


La même année, un appel m’invitait à parler de John Brown, dans cette ville d’Harper Ferry, que vingt ans auparavant, il avait investie ! Dans cette ville qu’il y a vingt ans, son nom remplissait de terreur ; alors que le Gouvernement recherchait en tout lieu pour les pendre, les complices de Jules Brown ; alors que la canaillocratie, par toute la République, lynchait haut la main, quiconque osait excuser, ou expliquer, l’effroyable attentat du brigand !

Et c’est là qu’on m’appelait ! Là où, vingt ans auparavant, un bout de corde attaché à quelque arbre, en aurait lestement fini de moi ! — Mes pieds posaient sur le sol, où le sang de Brown avait coulé. Je voyais cette tragédie : les hauteurs qui l’avaient contemplée, la maison foraine où Brown rassembla ses hommes, l’arsenal où il soutint le siége, le point où Lee opéra sa capture, m’en racontaient les sinistres développements. Et c’était de John Brown que j’allais parler ! Et j’en allais parler, non comme d’un criminel d’État, mais comme d’un héros chrétien, comme du martyr de la liberté !

On écouta, les applaudissements éclatèrent.

Près de moi, sur la plate-forme, était assis, chargé d’années, l’Honourable A. J. Hunter, attorney général de Virginie ; l’accusateur de Brown par-devant la cour ! Ses mains cherchèrent les miennes :