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la lui rachetai de suite ! — se hâta d’ajouter Captain Thomas : — Et j’ai pris soin d’elle, jusqu’à son dernier soupir !

En réalité, c’est, non avant, mais après la lecture du Narrative, dont il reçut dans le temps un exemplaire de ma part, que Captain Thomas avait racheté grand’mère.

— Aussitôt l’erreur connue, m’écriai-je, le récit a été rectifié. Je n’ai jamais eu l’intention de vous calomnier, Captain !

— Et moi, fit-il, je n’ai jamais aimé l’esclavage ! Mon projet était d’affranchir mes noirs, à mesure qu’ils atteindraient l’âge de vingt ans.

Le voyant si débile, je ne prolongeai pas ma visite. Me parlant alors du grand voyage qu’il allait entreprendre :

— J’ai confiance, me dit-il : Je pars en paix.

C’est en paix aussi, que se séparèrent l’esclave et le maître.


Mes retours aux anciennes demeures, ne devaient pas se borner là.

Cinq ans plus tard, une conférence m’amenait à Easton. La vieille prison aux murs blanchis, dont j’entendais encore se refermer sur moi les grilles et les verrous, était toujours là, toujours aussi soigneusement recrépie. M. J. Graham, le Sheriff qui m’y avait coffré, me donnait une amicale poignée de main. Le soir, il m’écoutait parler dans la Court House. Pour achever le contraste, je logeais dans la taverne où les acheteurs d’esclaves concluaient jadis leurs marchés, et j’y étais