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comptants, à son frère Hugues ! Lui, dont j’avais dénoncé, flétri les actes, en quatre langues, devant le monde entier ! — Mourant, impuissant, sénile, il était étendu là ; et moi, Marshal des États-Unis pour le district de Columbia, je me tenais à côté de lui, sa main dans la mienne !

— Marshal Douglass ! murmura-t-il.

— Non, Captain ! Non, point de Marshal ! Frédérik, comme avant.

Ses doigts à demi paralysés, qu’agitait un tremblement continuel, serrèrent faiblement les miens. Sans gêne, sans amertume, nous devisâmes des temps passés.

— Captain !… que pensez-vous de mon évasion ? — lui demandai-je, lorsqu’il se fut un peu remis. Il hésita quelques secondes, puis :

— Frédérik, dit-il, j’ai toujours pensé que vous étiez trop vif pour l’esclavage. À votre place, j’aurais fait comme vous.

— Captain, merci de vos paroles. Ce n’est pas vous que j’ai fui, c’est l’esclavage. Je ne haïssais pas César… mais Rome m’était plus chère !

Après un instant de silence :

— Captain ! repris-je, je vous ai, dans mon Narrative, injustement accusé de l’abandon de grand’mère ; pardonnez-moi. La méprise vient d’erreur, non de mauvais vouloir.

— Je sais, Frédérik. Vous m’avez cru propriétaire de votre grand’mère ; je ne l’étais pas. Le partage de l’hoirie l’avait, à la mort de mon beau-père, placée dans le lot d’esclaves adjugés à mon frère Andrew… Je