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promise ! Ne dégarnissez donc pas les maigres bataillons de la liberté dans le Sud, pour grossir les formidables régiments qu’elle a dans le Nord.

« — Les nègres, voter au Sud ! vous écriez-vous : Les nègres, y exercer leurs droits politiques ! Mais la violence des blancs, écarte le noir des urnes ; elle en défend les abords à coups de fusil ; elle impose ses listes à l’électeur ; et quand l’électeur résiste, elle lui apprend à vivre en l’égorgeant !

« Vous qui parlez ainsi, savez-vous ce que vous faites ? Vous calomniez le noir, et vous calomniez l’État.

« Quoi, l’homme de couleur ne saurait se défendre contre l’homme blanc ? Quoi, l’esclavage, sous une forme ou sous l’autre, le noir ne serait capable que de cela ? Quoi, lorsqu’on nous montre les prospérités des nègres de la Géorgie, du Mississipi, de la Louisiane, on trompe notre bonne foi ? Ces impôts, qu’ils payent sur des millions de dollars accumulés, ces terres qu’ils achètent, les maisons qu’ils bâtissent, les écoles qu’ils fondent, l’instruction qu’ils acquièrent, cette fermeté qu’ils déploient, ce respect qu’ils ont d’eux-mêmes, leur dignité qu’ils établissent et qu’ils font honorer : contes bleus ! Quoi, de tout cet échafaudage de générosités, de tous ces efforts vers l’indépendance, de tout ce grand vacarme d’émancipation, il ne resterai que fumée ! Quoi, ceux qui ont déclaré le nègre essentiellement inférieur, éternellement mineur, ceux-là ont dit vrai ! Et vous, dont les compassions mal entendues le dénigrent ainsi, dans le fait et dans l’opinion, vous prétendez le servir !