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prenez des Chinois, ils ne tiendront pas. La race blanche n’est faite, ni pour ces flamboyements de rayons, ni pour ces émollientes vapeurs. Elle recule ; et si elle ne recule point, elle meurt. — La race africaine : les fils du Sud, nés dans le Sud, tiendront. Ce soleil est leur soleil ; ses embrasements ont forgé leurs muscles ; les chaudes effluves qui s’exhalent des rizières détrempées, ils les ont respirées dès le berceau.

« Le monde, a-t-on dit, veut du sucre et du coton ! Le nègre fut créé pour lui donner l’un et l’autre ! — Et il les lui donne. Et le monde a reçu du nègre affranchi, plus de sucre et plus de coton, que jamais ne lui en donna l’esclavage.

« Vous dites qu’à cette heure même, pour émancipé soit-il, le nègre a toujours le pied du maître sur la gorge !

« Et moi je vous dis que la gorge du maître, c’est la main du nègre qui l’étreint.

« Sans le travail du nègre, l’ancien maître ne mangera pas. Votre fameux système a si bien dégradé le travail au Sud, que, dût-il résister aux empoisonnements du climat, l’homme du Nord, le blanc, se gardera bien d’abandonner les États où son travail est honoré, pour affronter les humiliations qui, chez vous, flétrissent quiconque se sert de ses mains.

« Ou l’ancien maître traitera d’égal à égal avec le nègre ; ou, mettant bas l’habit, jetant ces morceaux de bois qu’il façonne si dextrement, quittant les doux fauteuils à balançoire ; il empoignera les cornes de la charrue, retournera son champ, brisera les mottes,