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L’occasion ne tarda pas à se présenter. J’avais donné, à Washington, une conférence sur la ville de Washington elle-même ; on me pria de la répéter à Baltimore, dans Douglass Hall, sorte de collège qui m’était dédié. J’y consentis. Mon discours : Notre capitale, son passé, son présent, son avenir, contenait, à l’adresse de la ville nationale, et des éloges mérités, et quelques critiques… méritées aussi. Washington l’avait écouté sans déplaisir ; il souleva des tempêtes à Baltimore : J’insultais la cité présidentielle, le siége du Congrès, le siége du Sénat, l’honneur de la République, la gloire des États-Unis ! Rien que ma destitution, ne pouvait expier semblable forfait ! — On parla, on écrivit, on publia, on intrigua, on protesta… et je demeurai Marshal.

Restait ma dignité ! Grande affaire, celle-là. — Les gens qui s’étaient efforcés de me mettre par terre, s’éprirent tout à coup de passion pour ma dignité :

— Comment ! M. Hayes ne vous a pas appelé à lui présenter les visiteurs de distinction, et vous conservez une place ainsi mutilée !

Ma réponse fut simple :

— Je conserve ma place : 1o parce que l’office de Marshal des États-Unis comporte des devoirs spéciaux, parfaitement réglés, qu’accepte ou que rejette en bloc le titulaire, selon qu’il se sent capable ou non de les remplir ; 2o parce que la loi qui fixe et définit ces devoirs, ne dit pas un mot des présentations officielles au président ; 3o parce que le président est libre de choisir qui lui convient, pour exercer auprès de sa personne, des fonctions dont l’accomplissement ne se