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Intrigues et divisions nous perdaient. Il nous fallait la stabilité. Nous avions besoin du jugement, de l’énergie, du bon sens de Grant, de son inflexible décision. Partout où se livrait un combat, je luttais à l’avant-garde. Plus d’une idée fausse, plus d’une prévention funeste, jonchèrent le sol.

Les républicains de l’État de New-York, écrasant sous leurs pieds le préjugé populaire, placèrent mon nom, comme Elector at large[1], en tête des bulletins présidentiels ! Acte viril, digne du plus vif éloge, lorsqu’on considère cette haine contre le nègre, profondément enracinée au cœur des masses — surtout des nouveaux citoyens empruntés à l’Irlande — que bravait, au risque de l’exaspérer, pareille manifestation. Si la mesure était généreuse, elle était non moins sage ; les cinquante mille voix de majorité, qui assurèrent à Grant la présidence, se chargèrent de le prouver.

Une autre surprise attendait nos citoyens retardataires. Le collége électoral (Albany) me confia, avec mission de la porter à Washington, l’enveloppe scellée, qui contenait les votes de l’État de New-York.

Naguère, transmettre d’un relais au relais prochain le

  1. Quand elle a un président à élire, la république des États-Unis nomme un électeur pour chaque membre du congrès, et un électeur pour chaque membre du Sénat (autant d’électeurs que de sénateurs et de représentants). Ce sont ces électeurs, qui élisent le président. Chaque État envoie deux sénateurs à la Chambre haute. Les deux électeurs, correspondant à ces deux sénateurs, se nomment : Electors at large. (Note due à l’obligeance de M. Henry Barbey, un des hommes qui connaissent le mieux la république américaine et sa législation). — Trad.