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et leurs progrès, dans l’extension de nos frontières.

Dégradation, déshonneur ! — Y en avait-il plus pour Saint-Domingue, à devenir un des États de la République américaine, qu’il n’y en avait eu pour le Kansas et la Nebraska, à entrer dans notre Fédération ?

Malgré la divergence de vues qui me séparait de M. Sumner, nos relations restèrent intimes. — Lorsque, après son grand discours au Sénat : discours qui, durant six heures, malmena le président aussi rudement que l’annexion ; je fus droit à Sumner et lui dis : — Vous avez été injuste envers Grant ! — Ma franchise n’ôta rien à l’amitié que me témoignait l’orateur.

— Hé bien ! — me demanda quelques jours plus tard M. Grant : — Que pensez-vous de votre ami Sumner ?

— Qu’il a parlé selon sa conscience, mais que son jugement s’est mépris. Et Votre Excellence, demandai-je à mon tour, qu’en pense-t-elle ?

— Qu’il est fou.

Divisés sur la question de Saint-Domingue, les deux hommes s’éloignèrent l’un de l’autre, également sincères, réciproquement injustes, sans que rien, à mon profond regret, les rapprochât plus jamais.


La Commission officielle, cependant — j’en faisais partie — naviguait vers Saint-Domingue. Un vaisseau de guerre nous y transportait. Il ne s’agissait plus pour le nègre, ni du tillac, ni de quelque recoin dans l’entrepont. Gaillard d’arrière, salon du capitaine, tout m’était ouvert. Et mon front se relevait, sous les brises de mer qui faisaient ondoyer le drapeau national : mon drapeau !