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de dollars ; balançait son passif. Si ce n’était pas brillant, ce n’était pas inquiétant.

Moyennant de sages restrictions appliquées aux dépenses, la suppression de succursales qui coûtaient gros et ne rendaient rien, la Freedmen’s Bank se trouvait de force — je le pensais — à traverser la crise financière, terrible, qu’avait amenée le conflit.

En vertu de ma confiance, aussi de mon dévouement aux intérêts noirs, j’avançai dix mille dollars à la Banque, afin de l’aider en ce passage dangereux.

Mais plus j’y regardais, plus je voyais le gouffre s’élargir.

Ces administrateurs, qui publiaient appels sur appels, à grand bruit de grosse caisse, célébrant tous à l’envi les prospérités de la Freedmen’s Savings ; en avaient, pour leur propre compte, retiré jusqu’au dernier cent ! Des agents malhonnêtes venaient, dans le Sud, de vider les caisses confiées à leur intégrité. Entre les livres et le numéraire, l’écart se chiffrait par quarante mille dollars. — Si la Banque liquidait, elle ne pourrait pas même, payer le trois quarts pour cent, aux créanciers !

Mais la Banque ne liquidait pas. MM. les clercs ne se souciaient en aucune façon d’abandonner les appartements somptueux, les comptoirs marmoréens, les costumes au dernier goût, les fleurs à la boutonnière !

Je ne suis pas très-convaincu de l’absolue perversité humaine ; ces faits-là néanmoins, force m’est d’en convenir, dénotaient plus d’égoïsme que de vertu.

Six semaines après mon élection, persuadé que la