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jeunes clercs, tous couleur ébène, tous élégamment vêtus, tous plume derrière l’oreille et fleur à la boutonnière, je sentais mes yeux ravis… c’est peu dire : Enrichis.

Avec quelle aisance mes gaillards comptaient les doublons ! Avec quelle dextérité ils empilaient les dollars ! De quelle grâce ils distribuaient les bank notes ! Magnifique ! Ébouriffant ! — Je m’écriais, comme la reine de Séba, devant le trône de Salomon, ses richesses et ses gloires : « — Voici, on ne m’en avait pas dit la moitié ! »

En conséquence de quoi : Primo, je plaçai douze mille dollars dans la Freedmen’s Bank ; Secondo, j’en devins un des administrateurs.

Quelques mois plus tard, je me réveillais président, lunettes d’or sur le nez, ma respectable personne installée dans le fauteuil officiel, des montagnes de registres autour de moi ! — Et mes souvenirs rapprochaient de ce haut fonctionnaire, le pauvre garçonnet qui courait nu-pieds, un brin de chemise sur le dos, battu, désolé, affamé, parmi dindons, poules et porcs, dans les basses-cours de la plantation Lloyd.

Mais ce n’était pas pour rêver, qu’on m’avait assis dans ce fauteuil.

La banque triomphait. Très-bien ! — Avant tout, il fallait savoir, de visu, l’état vrai de sa caisse : ce qu’elle possédait, ce qu’elle devait.

J’attaquai vigoureusement la besogne ; importante, mal aisée, et ingrate.

Sur le papier, calculs faits d’après les documents placés en mes mains, l’actif de la Banque : trois millions