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Mistress Sears avait lu mon Narrative, elle y avait retrouvé sa mère ; sa mère qu’elle chérissait, quelle avait si peu connue. Mes souffrances d’alors, elle les comprenait ; ne connaissait-elle pas, elle aussi, la douleur ? Ne se rappelait-elle point quelle sympathique tristesse envahissait mon noir visage, quand sa belle-mère — la seconde madame Thomas Auld — la traitait durement !

J’ai revu mistress Sears ; je l’ai revue une troisième et dernière fois : à son lit de mort. — Elle m’avait fait appeler ; elle voulait entendre parler de sa mère ; que je lui en disse la figure, le cœur, les tendresses ; si quelqu’un de ses enfants, à elle, reproduisait les traits de cette mère aimée.

Une jeune fille se tenait debout, près du lit :

— La voilà ! m’écriai-je : C’est Miss Lucretia.

Elle jeta sur la jeune fille un long regard :

— C’est Lucretia, en effet ! murmura-t-elle : Je lui ai donné le nom de ma mère.

Puis, elle me remercia d’être venu ; elle me dit qu’elle était prête à mourir, qu’elle allait revoir sa mère, qu’elle en avait le certitude ! — Et nous nous séparâmes, pour ne plus nous rencontrer ici-bas.


— Vos ressentiments, vos haines, qu’en avez-vous fait ? me demandera-t-on : Les crimes perpétrés par la race des planteurs sur la race des esclaves, les avez-vous oubliés ?

Non. L’horreur de l’oppression, la haine de l’injus-