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consultation ! — Que faire de moi, un nègre, délégué ?

Nous n’étions pas à Lancaster, que mes co-représentants en avait nommé d’autres, chargés de me représenter l’inopportunité de mon introduction dans leur assemblée.

Je vois donc l’ambassade, orateur en tête — un gentleman de la Nouvelle-Orléans, très-courtois, très-bienveillant, très-disert — s’approcher, me saluer, ouvrir la portière de mon car, et y entrer.

— Monsieur ! me dit le gentleman : Votre caractère et vos ouvrages nous sont également connus, à tous. Nous éprouvons tous, pour l’un, le plus profond respect, pour les autres, la plus sincère admiration. Ai-je besoin d’ajouter qu’individuellement, nous n’avons pas la moindre objection à siéger avec vous ? Mais les sentiments personnels doivent s’effacer devant l’intérêt général. Le Nord aussi bien que le Sud, vous le savez, monsieur, entretient contre la race de couleur des préventions qui, pour être injustes, n’en restent pas moins positives. Votre présence dans la Convention, les exciterait, au point de compromettre le triomphe de la liberté. Il ne faut qu’un froissement, pour tourner la chance contre nous, libéraux ; pour évincer nos candidats au Congrès ; pour nous laisser en minorité vis-à-vis de Johnson, de ses intrigues et de son mauvais vouloir. Monsieur, l’heure est décisive. Nous osons demander à votre patriotisme, un acte de patriotisme suprême : Renoncez à votre délégation !

La harangue terminée — je l’avais écoutée sans proférer un mot :