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Je n’oublierai jamais de quel indicible mépris, de quelle foudroyante indignation celui-ci s’écria, terminant un de ses discours : — Donnez le vote aux nègres, et le jour viendra où vous verrez, ici, dans cette enceinte, un nègre sénateur !

Dix ans ne s’étaient pas écoulés, qu’on en vit deux : MM. Bruce et Rewels.


La National Loyalist’s Convention, — septembre 1866, Philadelphia — fut notre second pas vers la conquête du suffrage noir.

Destinée à élucider les problèmes qui agitaient le Sud, la Convention réunissait les délégués de la plupart des États.

Rochester — j’y étais établi — me fit l’honneur de me nommer ; acte d’autant plus significatif que, sur soixante mille âmes, la ville comptait à peine cent résidents de couleur.

Encore ici, clameur et frisson : — Un représentant noir, siéger dans une Convention nationale politique ! Parmi nos amis eux-mêmes, plusieurs reculaient épouvantés. N’y avait-il point dans cette innovation, prodigieuse d’audace, de quoi perdre à jamais le suffrage noir ?

Chères bonnes âmes ! Pérorer sur les théories d’égalité leur semblait plus commode que les appliquer.

Quoiqu’il en soit, me voilà en route. Le train qui m’emportait vers Philadelphie, rencontre et prend en queue le train de Cincinnati, bondé de délégués de l’Ouest et du Sud. Sitôt ma personne avisée, grande