Page:F.Douglass, Mes années d'esclavage et de liberté, 1883.djvu/269

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Voici la seconde : L’ignorance des affranchis, leur dégradation, les rend impropres à voter, c’est-à-dire à gouverner.


La réponse était simple.

Toute lumière a ses ombres, tout devoir ses inconvénients. Mais la nuit a ses périls, le péché ses douleurs ; on l’oublie trop.

Quoi ! laisser les petits sans défense, quand les grands sont armés ? Quoi ! enrichir l’opulent, dévaster le pauvre ? Quoi ! livrer la race asservie au pouvoir des maîtres de la veille : de ces maîtres que la force, non la conviction, a dépouillés de leur autorité ? Quoi ! l’agneau dans les griffes du lion ? Récompenser ainsi le sang versé pour la patrie ! Embrasser l’ennemi, écraser l’allié ! Honorer la trahison, dégrader la loyauté ! Quoi ! donner raison, une fois de plus, au vieux proverbe : Les Républiques sont ingrates !

L’ignorance du nègre ! dites-vous. À qui la doit-il ? Qui en est responsable ? Qui donc l’a maintenu dans les ténèbres ? Qui les a épaissies autour de lui ? — Or, il faut qu’il en sorte ! Le vote, c’est la clef de l’école ; mettez la clef aux mains du nègre, il ouvrira.

Si le nègre, au surplus, a su se battre pour la justice, le nègre saura voter. Si le nègre sait payer les impôts, le nègre saura voter. Si le nègre en sait autant qu’un Irlandais ivre, le nègre saura voter.

Quant aux inconvénients, nul ne les ignore. Qu’en présence de telles ou telles menées, trahisons, violences, vilenies des anciens maîtres, on crie : — Nous