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Le serment fut prêté, l’adresse lue, au milieu d’un silence de plomb.

Parlant de la guerre : « — Nul, dit le président, n’en prévoyait au début ni la grandeur, ni la durée. Nul n’imaginait que, la cause du conflit disparue, le conflit pût se prolonger. Chacun croyait à plus aisé triomphe. Les résultats prodigieux, fondamentaux, personne ne s’y attendait ! »

Exprimant ensuite cette conviction, que l’esclavage est un crime, la guerre son châtiment : « — Dieu, s’écria Lincoln, n’est-il plus le Dieu d’amour ? A-t-il abandonné ses compassions ? Ne croyons pas cela. Prions plutôt que la verge s’éloigne de nous ! Et, s’il le faut, pour satisfaire la justice ; si Dieu veut frapper, jusqu’à ce que s’anéantissent les richesses accumulées par deux siècles et demi de travail esclave ; si Dieu veut appesantir sa main, jusqu’à ce que, à chaque goutte de sang arrachée par le fouet, réponde une goutte de sang arrachée par le fer ; eh bien ! nous redirons ce que disait il y a trois mille ans son prophète : « Les jugements du Seigneur sont droiture et vérité ! »


Le soir, grande réception à la Maison-Blanche. Pas un individu de couleur ne s’y était jusque alors hasardé. Mais quoi ! tandis que le sang des noirs, versé pour la même cause, sur les mêmes champs de bataille, se mêlait à celui des blancs ; un nègre patriote ne pourrait, dans les mêmes salons, offrir avec les citoyens de race blanche, ses vœux au chef de l’État ?

Le droit était clair, restait à l’établir ; pour l’établir,