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l’église baptiste ! — Le cri ne s’est pas répété, que tous y répondant, courent à l’église. — Et jusqu’à la nuit, actions de grâces, prières, exhortations retentissent !

Je n’imagine point qu’une plus splendide manifestation pût glorifier, et ce grand pas de la nation vers la justice, et cette merveilleuse réponse de Dieu aux supplications que, siècle après siècle, faisaient monter vers lui ses enfants.


La proclamation, Lincoln l’avait faite à son image ; elle portait l’empreinte de son âme paisible, de son esprit conciliant. Accomplir le bien, en compromettant aussi peu que possible les intérêts opposés, elle visait à cela.

Il y avait des conditions, des restrictions des limites ; ce n’était pas cet impétueux élan qu’on avait espéré. Mais à travers les lignes, on déchiffrait la pensée. Derrière la lettre, rayonnait l’esprit. L’armée, partout où elle mettait le pied, apportait la délivrance. Que ce fût l’intérêt militaire, plutôt que le principe du droit qui dictât la mesure, peu importait : territoire conquis, esclavage aboli. La liberté marchait au pas de charge. Et quant au principe, j’étais un peu de l’avis de Paddy, lequel éperonnant sa monture, pensait que s’il réussissait à faire avancer un des côtés de l’animal, l’autre côté suivrait sans faute.

La canaillocratie esclavagiste, y voyait aussi clair que moi. Ce fut un débordement de fureur. Émeutes, voies de fait ; elle n’épargna rien pour empêcher les enrôlements de noirs, terrifier les recrues, forcer la main au gouvernement.