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défaites ; le gouvernement comprit, et se rangea, résolument, du coté de l’émancipation.

J’étais en Massachussets, je faisais partie de cette prodigieuse assemblée qui, dans l’enceinte de Tremont-Temple (Boston) attendait que l’éclair du télégraphe, réalisant l’espoir, lui apportât la proclamation.

Que serait-elle, que dirait-elle ? — Une ligne de messagers reliait Tremont-Temple au bureau télégraphique. Les cœurs palpitaient. Crainte, espérance, joie, douleur, pareilles à de grandes houles ; se soulevaient, s’abattaient, passaient, revenaient. — J. Russel, miss Dickinson — d’une merveilleuse éloquence — Rev. Grimes, Sella Martin, Wills, Brown et moi, nous nous efforcions de calmer, par de brèves allocutions, cette fièvre d’impatience. L’heure n’était ni aux discours, ni à l’audition. De distance en distance, les coups de l’horloge marquaient l’interminable longueur du temps ; l’attente devenait de l’agonie. Soudain, voici des pas précipités : La Proclamation ! Arrivée ! Émancipation !

Qui dira l’éclat du triomphe, l’immensité du bonheur !

On criait, on pleurait, on riait, on s’embrassait. De sa voix puissante, Rue, le prédicateur noir, entonne l’hymne :

« Sonnez, vous tambourins sur la mer d’Égypte !
Le bras de l’Éternel, a fendu les eaux ! »

Mille, deux mille, trois mille voix s’unissent à ses accents. Le cantique emplit la nef ; l’une après l’autre les strophes se déroulent, la dernière s’éteint ; mais on ne peut se quitter, on ne peut rentrer dans les proses de la vie, il y a trop d’émotion, trop d’allégresse : — À