Chaque trait de cette rigide figure m’avertit que je devais être bref, clair, précis ; que la politesse n’était pas le faible de l’individu ; et que, d’un instant à l’autre, il pouvait me tourner le dos :
— Bien ! Que voulez-vous ? Je n’ai pas de temps à perdre, ni avec vous, ni avec qui que ce soit. Parlez !
Si les lèvres n’articulaient pas ces mots, le regard me les adressait.
En trois minutes, je définis les requêtes tout à l’heure présentées au chef de l’État — Tout changea sur ce visage : brusquerie et dédain, firent place à la gravité de l’homme politique. Même défense du système que chez Lincoln ; mêmes promesses pour l’avenir. Une fois de plus, je sentis que la liberté, que l’égalité ; ma race ne les obtiendrait qu’en les prenant.
Recruter, pousser mes frères dans l’armée, tel était le but à poursuivre. Lincoln, Stanton, y insistaient tous deux :
— Voulez-vous une commission ? — me demanda ce dernier : — Je vous nommerai sous-adjudant du général Thomas. Il organise les troupes noires dans Mississipi Valley.
J’acceptai.
— Quand serez-vous prêt ?
— Dans quinze jours.
— Entendu. Votre commission vous sera expédiée à Rochester.
Pour une raison ou pour l’autre, elle ne le fut jamais !
Ce qui ne m’empêcha, ni d’effectuer les enrôlements, ni d’envoyer mon troisième fils au régiment noir du Mississipi.