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respect, mêmes armes, même protection, même équipement, même solde, mêmes rations pour vous que pour les blancs ! Je ne discute ni n’arguments ; discussion et arguments signifient hésitation. Nul parmi vous n’hésite, nul ne doute ! Les portes du cachot sont entrebâillées ; un viril effort, elles s’ouvriront. Et vous en franchirez le seuil ; et avec vous, quatre millions de vos frères, de vos sœurs, de vos enfants asservis ! Vengez l’honneur de notre race ! L’égalité vous attend sur les champs de bataille : Saisissez-la !

Les régiments se levèrent. L’enrôlement s’accomplit, en des conditions inférieures à celles qu’on avait fait miroiter à mes regards.

N’importe ! Ce que me refusaient les hommes, la logique des événements se chargeait de l’obtenir. Quant à l’honneur, je le savais sauf : les régiments noirs ne reculeraient pas.

Mes deux fils, Charles et Lewis, marchaient avec le 54e. Décimé devant le fort Wagner, il y reçut le baptême du feu. Solides comme roc, impétueux à l’attaque, on ne parla plus, dès lors, d’envoyer les noirs batailler contre les miasmes du Sud. Personne ne s’avisa plus de contester leur fermeté. Toute position requérant vaillance, constance, stabilité, leur fut de plein droit assignée. Ils se battaient si fièrement, tapaient si dru, soutenaient si gaillardement le choc des escadrons sudistes, que la Pennsylvanie proposa de porter à douze, le nombre des régiments de couleur[1].

  1. « Le nègre s’est fait sa place dans l’estime des Américains. » M. Higginson, colonel d’un régiment d’affranchis, auteur de : Vie